Status: WORK IN PROGRESS. Environ un chapitre tous les dix jours.

Near The Edge Of Night

Chapitre 2

« Do you want to know what the ultimate secret is ? Laura did.
The secret of knowing who killed you. »
(Harold Smith, ep.12)


1er mai 1985 – 17:59

Pensif, il boit ses dernières gorgées de café, avalant le résidu amer du fond de la tasse. Dehors, la pluie tombe de plus en plus fort, balayée de temps à autre par une rafale de vent anormalement froide et violente pour un mois de mai, même dans un État nordique comme la Pennsylvanie.

Sur la table basse, devant lui, les pions d'échecs sont alignés sur le plateau noir et blanc, parfaitement rangés, comme à chaque fois que c'est Windom qui s'occupe de les mettre en place. Cooper n'y a pas touché depuis que Windom a décidé de quitter le safe house, onze jours auparavant. Il se demande vaguement pourquoi son collègue et ami leur a laissé le jeu d'échecs, à Caroline et lui, alors qu'il sait qu'elle n'y joue pas.

Pour la énième fois, ses pensées sont accaparées par Windom Earle.

Pour la énième fois, il se demande s'il devrait se sentir coupable.

Après tout, en tombant amoureux de Caroline Earle, il a trahi celui qu'il considère comme l'un de ses amis les plus proches, celui qui lui a toujours fait confiance, son partenaire et mentor depuis qu'il a pris ses fonctions au sein du FBI, deux ans et demi plus tôt. Et, qui plus est, il a négligé son éthique professionnelle en mélangeant ses sentiments à son boulot. C'est mal, et il le sait.

Pourtant, quoi qu'il y fasse, il ne parvient pas à s'en vouloir. Sans doute le fait de voir Caroline heureuse et paisible le convainc-t-il, inconsciemment, de la légitimité de son comportement. Il a été désigné pour la protéger, pour l'aider à reprendre pied après l'agression, et il est en train de réussir, pense-t-il.

Windom avait raison : depuis qu'il a quitté le safe house pour retourner s'installer dans leur appartement de Pittsburgh, l'état de Caroline s'est considérablement amélioré.

La semaine qu'ils ont passé à trois dans la maison, pendant laquelle Cooper a fait de son mieux pour laisser leur indépendance à Caroline et Windom et s'en tenir à ses responsabilités professionnelles, a été tendue. Il pense que Windom se sent probablement responsable de l'enlèvement de sa femme, et que ce sentiment les empêche, tous les deux, de remettre les pendules à l'heure.

Caroline lui a confié, hier, que la présence de Windom la trouble pour une raison qu'elle ne parvient pas à expliquer. Windom lui-même a paru vite s'en rendre compte, et la décision a été prise que Cooper surveillerait seul Caroline durant quelques semaines, pendant que son mari prendrait ses distances en rentrant à Pittsburgh.

Jamais, au cours de cette semaine, Windom n'a exprimé le moindre doute quant à la relation que Cooper entretenait avec Caroline. Pas une seconde n'a-t-il paru effleuré par l'idée que les regards entre son épouse et son jeune collègue pouvaient signifier autre chose qu'une polie amitié professionnelle.

Pourtant, quelque part, Cooper a du mal à le croire - Windom est bien trop futé pour ne rien remarquer. S'il y a une personne au monde capable de deviner, d'un simple coup d'œil, la nature de la relation unissant deux individus, il parie sur Windom Earle.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a décidé, depuis tout ceci a commencé, de le lui avouer. Mentir ne fait pas partie de ses habitudes, et il sait qu'il serait de toute façon parfaitement futile d'essayer - il s'est tellement rapproché de Caroline au cours des derniers jours qu'à présent, leur amour sauterait aux yeux de n'importe qui – sans parler de ceux, d'une acuité redoutable, de Windom.

Il ignore comment Windom réagira lorsqu'il apprendra la vérité. Et en toute honnêteté, il n'a pas particulièrement envie d'y penser. Pour l'instant, il préfère profiter de ces journées calmes et confortables, seulement Caroline et lui, loin de l'agitation de Pittsburgh et de ces agresseurs inconnus auxquels elle a échappé de justesse - loin du Bureau, aussi, des cadavres et des affaires sordides qui occupent habituellement son quotidien.

Caroline dort dans sa chambre, apparemment paisible. Il se souvient de son réveil tourmenté, quelques nuits plus tôt, alors qu'elle sortait en criant d'un cauchemar qu'elle a oublié juste après. Les réminiscences de son enlèvement, pense-t-il – sans doute les pénibles souvenirs refoulés qui tentent, dans son subconscient, de remonter à la surface. La surface a à peine été effleurée, pourtant, et la mémoire de Caroline demeure un trou noir, opaque et inaccessible aux autres comme à elle-même.

Le temps, sans doute – le temps comblera le vide, lui permettra d'extérioriser ce qu'inconsciemment elle n'est pas encore prête à admettre. Quoi ? Cooper et Windom se sont beaucoup posé la question, sans pour autant trouver ne serait-ce qu'un début de réponse. Quelles horreurs a-t-elle vécues, et aux mains de qui, et surtout, pourquoi ?

Un léger craquement le tire de ses réflexions.

Aussitôt, tous ses sens sont en alerte, et il se redresse dans le fauteuil, tendant l'oreille.

« Caroline ? »

Pas de réponse.

Il se lève et, plus par réflexe que par crainte réelle, tire son arme. En toute logique, la maison est spécialement conçue pour être à l'abri d'une intrusion extérieure. En dépit d'avoir désactivé les détecteurs de mouvement, perturbés par la pluie, le périmètre est sécurisé et toutes les portes fermées. Néanmoins, il est de son devoir d'assurer la sécurité de Caroline, alors il va voir.

Il traverse la cuisine, monte les trois marches qui mènent au couloir. Sur sa droite, la porte de la chambre de Caroline est entr'ouverte. Il passe la tête dans l'entrebâillement, et la regarde dormir paisiblement, sa poitrine se soulevant régulièrement au rythme de sa respiration.

Après avoir tiré la porte sans la réveiller, il avance, revolver au poing, jusqu'au bout du couloir, guettant le moindre bruit. L'entrée est plongée dans la pénombre. Il cherche l'interrupteur, allume la lumière et jette un coup d'œil aux moniteurs des caméras de surveillance, qui transmettent en direct les images grisâtres du jardin et le la terrasse.

Rien.

Pour être sûr, il marche silencieusement jusqu'à la porte blindée, abat la poignée – fermée, évidemment, et ce depuis qu'il a tourné la clé dans la serrure ce matin.

Il prend une profonde inspiration, relâche la pression de son doigt sur la détente et rengaine lentement son arme. Après quelques secondes passées immobile dans l'entrée, toujours aux aguets, il tourne les talons et se dirige à nouveau vers le salon. Il a envie d'une autre tasse de café.

Il ne sent rien venir.

Juste le temps, pendant une fraction de seconde, de sentir un bruissement d'étoffe derrière lui, alors qu'il passe la porte de la cuisine. Le temps de penser, dans un éclair, à Caroline, toujours endormie dans sa chambre, et qui ne sait pas –

Le cri d'alarme qu'il s'apprête à pousser est stoppé net dans sa gorge à la seconde où la lame s'enfonce entre ses côtes.

Le souffle coupé, il a à peine le temps de sentir la douleur se répandre dans son corps comme une décharge électrique. Sa dernière pensée va à Caroline - et puis le monde sombre dans le néant.

À suivre...