Status: WORK IN PROGRESS. Environ un chapitre tous les dix jours.

Near The Edge Of Night

Chapitre 3

« Are blood and love related ? Does a heart pump blood as it pumps love ? »
(The Log Lady, ep.21)


1er mai 1985 – 18:27

Il a froid. C'est la première sensation dont il prenne conscience. Un froid glacial, paralysant, comme si le sang coulant dans ses veines s'était soudainement changé en glace.

Le plafond, au-dessus de lui, est d'un blanc cru et agressif, étendue immaculée dans laquelle il a l'impression de se noyer. La lumière diffuse de l'ampoule nue, seule tache venant perturber l'immensité plane de cette surface écrasante, est particulièrement violente. Lorsqu'il referme les yeux pour s'en protéger, la sphère lumineuse reste imprimée sur ses paupières, indélébile.

Sur sa droite, juste à la limite de son champ de vision, une horloge est accrochée à un mur tout aussi stérile que le reste de l'univers où il est en train de flotter. Les aiguilles se déplacent, lentement, au fur et à mesure que les secondes passent. Sont-ce bien des secondes ? Il n'en est pas sûr. Et cela n'a pas d'importance.

Le monde qui l'entoure lui semble étrangement distant, comme s'il était simple observateur d'un espace-temps dont il se serait détaché depuis longtemps.

Cette pensée, quelque part, le rassure.

Il ne demande qu'à se laisser aller, engoncé dans le silence cotonneux qui l'enveloppe, jusqu'à l'anéantissement total des sensations qui tissent encore un fil ténu entre lui et la réalité.

Pourtant, son corps est encore bien là, raccordé à son esprit et l'empêchant de lâcher prise. Il y a le froid, le froid qui se répand dans chacune de ses cellules et qui l'aurait probablement agité de tremblements incontrôlables s'il avait été en état de trembler. À l'inverse, il y a la chaleur humide qui inonde, croit-il, son ventre et sa poitrine – et ce goût de fer sur sa langue, tiède et velouté, dont il ne parvient exactement pas à saisir l'origine mais qui agite une sonnette d'alarme dans un coin de son cerveau.

Et puis la douleur, qui prend peu à peu le pas sur l'engourdissement de ses sens – d'abord sourde, puis aigüe, puis insupportablement envahissante, quelque part dans la région de ses côtes. Elle est simplement là, tenace, sans qu'il en comprenne la cause ou la raison.

Il y a autre chose. Un léger poids sur son épaule droite, sensation presque insignifiante mais, il le sent, essentielle – plus que tout le reste.

Il lui faut un moment pour parvenir, lentement, à tourner la tête sur le côté, essayant d'en identifier la provenance. Son organisme proteste violemment, mais tout cela est désormais secondaire.

Là, contre son épaule, un visage fin aux lèvres écarlates, des yeux bleus grand ouverts perdus dans un néant inaccessible. Un mince filet du même rouge que la bouche, traçant un trait fin le long d'une joue pâle. Les volutes d'un tissu à fleurs, contrastant avec l'étoffe noire de son propre vêtement.

Caroline.

Il voudrait lever le bras, passer une main dans ses cheveux, dessiner le contour de ses lèvres du bout du doigt - mais le contrôle de son corps semble lui échapper progressivement, le laissant impuissant face à la vague de terreur qui s'insinue petit à petit dans sa conscience.

Ce n'est pas une réflexion construite, ni même une pensée lucide, simplement un instinct primaire qui lui dicte que Caroline est déjà loin, loin de lui et de cette pénible réalité qui ne veut pas le laisser partir.

Il l'a perdue, et il ne peut pas la rejoindre.

Je suis désolé, pense-t-il, avec la mince parcelle de son esprit encore capable de formuler des mots. Il ouvre la bouche, peut-être pour le répéter à voix haute, même s'il n'a plus personne à qui le dire.

Mais le monde vire au noir avant qu'il ait pu en prendre l'initiative.

À suivre...