Message in a bottle

Comment puis-je tomber si bas ?

Sur la grande plage de sable blanc de Miami, un homme était allongé, les vagues allant et venant sur son corps endormi.
Ses cheveux étaient plein de sel, et ses vêtements trempés.
Le jour commençait à peine à se lever, ce qui expliquait l’absence de bruit dans les rues.
Brian s’extirpa de son sommeil, et leva la tête.
Il mit quelques instants à comprendre où il était, et pourquoi il y était. Il n’avait absolument aucune idée de l’heure, et ne savait pas depuis combien de temps il était resté ici.

Il s’assit, toujours au beau milieu des vagues.
Il grogna en réalisant qu’il était trempé, et serra sa tête dans ses mains. Il avait atrocement mal à la tête, et avait envie de vomir.

Il se leva, et scruta la plage en quête de son sac.
Il ramassa celui-ci, et chercha son téléphone portable. L’écran d’accueil affichait la date du 12 mars 2010. Il avait donc passé…deux jours…endormi, ici ?
Il se rapprocha des vagues, trempa ses mains dans l’eau tiède, et se frotta ensuite le visage.
Il répéta l’opération, car cela semblait atténuer quelque peu son mal de crâne.

Autour de lui, une bonne dizaine de bouteille trainaient, vides. Inutile de préciser qu’il ne s’agissait pas de quelque bouteille d’eau de source. En réalité, c’était plus…alcoolisé que ça.

*Flashback*

Des bars, il en avait aperçu plusieurs depuis son arrivée à Miami, mais le plus proche, si son souvenir était bon, se trouvait à quelques pas d’ici.

Il poussa la porte d’entrée.
Au moins, Huntington Beach et Miami avaient un point commun : d’une ville à l’autre les bars étaient tous les mêmes, avec une télé diffusant un match de foot, suivis par de gros beaufs hurlant une bière à la main, avec ces inconnus solitaires et mystérieux, et ces filles éméchées qui se dandinaient un peu trop suggestivement.
Brian s’avança vers le comptoir et demanda un ‘Jack and Coke’, comme à chaque fois qu’il franchissait le seuil d’un bar.
Ce verre fut suivi d’un autre, d’un autre, et d’un autre encore, jusqu’à ce que Brian ne supporte plus le bruit qui l’entourait.
Il demanda quelques bières, avant de payer son dû au barman, et de retourner sur la plage.

C’était une belle après-midi, mais la plage était pratiquement déserte.

Brian s’assit calmement en face des vagues, vidant une à une toutes les bouteilles qu’il avait emmenées avec lui.

Il resta ainsi jusqu’à la nuit tombée, ne cessant de faire augmenter la proportion d’alcool dans son sang.

Puis il se souvint s’allonger sur le sable, et puis plus rien…

* Fin du flashback *

Alors que Brian vérifiait n’avoir oublié aucune bouteille, il en aperçut une qui flottait sur les vagues, se rapprochant peu à peu de la rive.
Etrange, pensa-t-il. D’autant plus que cette bouteille n’était en rien similaire avec celles qu’il avait dans la main.
Ladite bouteille atteignit enfin le sable, roulant jusqu’aux pieds de Brian.
Celui-ci haussa un sourcil, en voyant que la bouteille n’était pas vide.
Il la ramassa, et l’observa de plus près.
Il y avait un quelque chose de plié à l’intérieur.

Brian sourit, amusé.
Ce genre de truc n’était-il pas sensé exister que dans les films ?
Quoiqu’il en soit il se prit au jeu et ouvrit la bouteille.
Après moults essais, il parvint enfin à extirper la petite chose de la bouteille.
Il déplia le mouchoir et s’aperçut que fidèlement au bon gros cliché des films à bas budget, quelque chose était inscrit dessus.
Par curiosité, il commença à lire. C’était du français. Il avait appris quelques bases de français lorsqu’il étéit encore au lycée. Peut-être suffiraient-elles à comprendre ce qui était écrit…

" Cher(e ) inconnu(e ),

J’ignore les raisons qui vous poussent à lire ce petit mot. Peut-être n’avez-vous rien d’autre à faire, peut-être trouvez-vous cela mignon, ou juste trop gros pour être vrai.
Peut-être même que ce message ne trouvera jamais de destinataire. Mais peu importe.

Pour l’heure, il me faut écrire, car c’est le seul recourt qu’il me reste.
Dans la détresse des heures sombres que je vis actuellement, je ne vois pas ce qu’il me rester à part mon cœur pour parler.

Celle qui avait été pour moi une personne si parfaite et si proche, n’est aujourd’hui vivante qu’à travers les quelques images qu’il me reste d’elle dans mon esprit endeuillé.
Je ne la reverrai donc jamais.
Je me sens dépouillée, trahie, abandonnée à la dureté du monde.
Je ne cesse de penser que ma vie n’aura plus aucun sens désormais, dans ce monde où je suis désormais seule, mais vivante.

Je n’ai plus rien au monde, pas même ce jeune homme extraordinaire pour qui je pensais compter.

Je veux juste que l’on m’écoute, que l’on me comprenne, et que l’on cesse de m’accabler.
Je prie pour qu’un jour quelqu’un puisse m’aider à retrouver cette paix intérieure que j’avais encore ce matin.

Peut-être vous êtes-vous déjà lassé de ces mots pleurnichards et je vous comprends.
Ou alors avez-vous trouvé dans ces quelques lignes suffisamment de justesse pour continuer à lire.
Peut-être êtes-vous au moins autant en peine que je le suis aujourd’hui.

Sachez qu’il ne faut jamais perdre espoir et que la vie nous redonnera notre chance, aujourd’hui, demain, un jour…

En attendant que ce jour vienne, je vous remercie de m’avoir indirectement écouté.

Puissiez-vous également trouver quelqu’un avec qui partager votre mélancolie.

Sarah.
Fait à Etel, de l’autre côté de l’Atlantique, le 10 mars 2012."

Toute trace d’amusement avait disparu sur le visage de Brian.
Il ne savait que penser de ce petit billet, du moins pour ce qu’il en avait compris.
Il savait toutefois qu’une personne dans le monde, prénommée Sarah, de l’autre côté de l’Atlantique, était malheureuse et seule au point de n’avoir qu’un bout de papier pour soulager ses pensées. Et un idiot d’américain, tatoué et encore ivre de la veille, pour lire ses lamentations.

A bien y réfléchir, Brian était dans une situation presque similaire de celle de cette Sarah.
Il avait perdu l’être qu’il aimait le plus au monde, celle avec qui il comptait se marier, et à qui il avait ordonné il y a deux jours de ne plus interférer dans sa vie.
Il était lui aussi seul dans cette ville où il ne connaissait personne. Il ne savait pas comment ni quand rentrer chez lui, de l’autre côté du continent. Et quand bien même, que pouvait-il espérer trouver en rentrant chez lui ? Une maison vide ? Certes, il y avait Zack, Jimmy, Matt et Johnny… Mais il ne fallait pas se voiler la face. Ils n’étaient qu’une petite bande localement connue qui se détruirait d’elle-même au fur et à mesure des années.
Tout compte fait, le seul bonheur réel qui illuminait sa vie auparavant était Michelle. Il lui suffisait d’être avec elle pour ne pas se sentir seul, et de la voir sourire pour pouvoir se dire heureux.
Mais alors aujourd’hui, que lui restait-il ?
Il semblait désormais un peu mieux saisir ce que voulait dire cette fille, Sarah, lorsqu’elle parlait de solitude. Dans un certain sens, il se sentait proche d’elle, dans le sens où elle, elle pourrait le comprendre.

Il se sentait stupide de faire ce genre de comparaison, ou bien alors celles-ci étaient juste un moyen de justifier ce qu’il était en train de faire maintenant :
Brian avait marché jusqu’à l’endroit où était posé son sac, et s’était mis à fouiller dedans.
Une fois qu’il eut trouvé ce qu’il cherchait, il s’assit, et soupira.

Il n’en revenait pas de tomber aussi bas. C’était sans doute à cause de sa gueule de bois, il n’était pas dans son état normal. Oui, c’était surement ça.

Brian n’avait jamais vraiment pensé avoir quelques facilités à écrire. Il n’écrivait que lorsqu’il n’avait d’autres recourt.
Ainsi, il avait écrit So Far Away, une des chansons que jouait régulièrement son groupe dans le pub du coin, à la mort de Jimmy.

Cette fois, il ne savait pas vraiment pourquoi il écrivait.
Après tout, cette Sarah s’était peut-être pendue, entre temps. Alors pourquoi tenait-il tant à lui répondre ?
De plus, quelle était la probabilité pour que la personne qui lise sa réponse soit cette même inconnue ?
Et avant tout, quelles étaient les chances pour que son message arrive quelque part un jour ?

Toutes ces réflexions métaphysiques n’empêchèrent pas Brian de terminer son message, écrit dans un anglais moderne.
Il saisit une de ces bouteilles de bières vide qu’il avait ramassées un peu plus tôt – un peu moins mignon que cette grande bouteille verte, soit – et plaça son papier dedans. Il récupéra le bouchon de liège de la bouteille verte, et ferma la sienne avec.

Il fit quelques pas jusqu’à atteindre les vagues.

Il souffla d’exaspération, se trouvant sur le moment profondément ridicule.
Il lâcha néanmoins la bouteille, qui s’éloigna peu à peu du rivage, vers une destination incertaine.
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La suite est à venir, je travaille actuellement dessus.
En attendant, dîtes moi ce que vous avez pensé de ce chapitre !
Merci d'avance !!